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28 février 2009 6 28 /02 /février /2009 00:04

L'onde de choc de la guerre contre Ghaza se répercute «Quebassa». En effet, les tour-opérateurs européens chargés du voyage organisé des pieds-noirs juifs à destination de Tlemcen et plus exactement au cimetière israélite de Rab N'Qaoua pour le traditionnel pèlerinage annuel dit «Hiloula», notamment des agences françaises et espagnoles, ont décidé d'annuler ce voyage religieux, selon une source de presse.

Pour leur part, les autorités locales ne seraient pas chaudes dans la conjoncture actuelle marquée par les événements sanglants de Ghaza (1.330 morts et 5.450 blessés) à accueillir la délégation en question, croit-on savoir, d'autant que des actes antijuifs (agressions et tags à la croix gammée) ont été commis en France (à Paris et Toulouse) où 66 cas de menace auraient été enregistrés par le Consistoire.

Il faut savoir que le dernier pèlerinage du cru (d'avant l'indépendance) à Rab N'Qaoua remonte à 1956, alors que la récente visite des pieds-noirs juifs à Tlemcen (130 touristes) date de 2005. A noter qu'une centaine d'Israélites d'Oranie avaient participé en juin 1978 à une « Semaine d'amitié judéo-algérienne à Tlemcen ». Par ailleurs, ce tourisme religieux constitue une manne en termes de rentrées en devises. Avec la collaboration de l'ambassade d'Algérie en France, le voyage religieux est organisé par «La Fraternelle», une association présidée par André Charbit (fils d'un ancien rabbin à Tlemcen) et regroupant quelque 1.300 juifs natifs de Tlemcen qui ont conservé un lien communautaire très fort depuis leur rapatriement en France (diaspora) en 1962.

Les pèlerins, qui viennent de toute la France (Marseille, Aix-en-Provence, Nice...) mais aussi pour une petite partie d'Israël ou même des Etats-Unis, se recueillent sur les tombes de leurs parents, grands-parents ou aïeuls qui reposent au cimetière extra-muros de Quebassa, redonnant vie par la même occasion à une coutume ancestrale, celle de la «Hiloula», un pèlerinage collectif à la faveur de «Lag Baomer», seul jour de fête au milieu d'une période de deuil dans le culte israélite. Côté intra-muros, un quartier au centre de la ville porte toujours le nom de «Derb lihoud», la rue des Juifs. Trois synagogues désaffectées y existent toujours, abritant des sièges d'associations (Gharnata, club de karaté, UNPA, FOCET, bibliothèque pédagogique).

«Derb lihoud» et le reste

  Une dizaine de rabbins était en exercice jusqu'en 1962 pour une communauté estimée «à un tiers de la population» (environ 10.000 personnes), dans l'ensemble pratiquante, selon Abdelaziz Hamza-Chérif, ancien conseiller municipal chargé de la culture. Il faut souligner dans ce contexte qu'à Tlemcen, il n'y a jamais eu de lutte entre juifs et musulmans, même pendant la Révolution. Lors de sa dernière visite, la délégation des pieds-noirs juifs avait rencontré l'ancien président Ahmed Ben Bella qui était de passage à Tlemcen. Beaucoup de participants, qui avouaient des craintes, avaient été émerveillés par l'accueil qui leur avait été réservé tant par les autorités locales que par la population, notamment les habitants de Derb lihoud, hospitalité et politique obligent, à l'exception de très rares signes d'animosité de quelque hittites aigris, des jeunes de rue désoeuvrés, mais jamais de gestes d'hostilité manifestés à leur endroit.

«Que des juifs, des musulmans et d'autres chrétiens pieds-noirs puissent à nouveau communier ensemble, se retrouver, dialoguer sans vouloir faire de politique dans ce pays qui a connu des drames, avec lequel nous nous sommes affrontés beaucoup trop longuement, est très important», avait indiqué l'ancien ambassadeur de France, Hubert Colin de Verdière, qui accompagnait la délégation à Tlemcen. Le diplomate avait salué à cette occasion «la population algérienne (qui) montre qu'elle accueille comme des frères ceux qui reviennent pour une visite de mémoire». Notons que lors de son passage dans la cité des Zianides (mai 2008), la ministre française de l'Intérieur et du Culte Michèle Alliot-Marie s'était rendue au cimetière israélite de Quebassa, ainsi qu'au site funéraire chrétien d'El Qala'.

Outre les lieux de culte, Tlemcen est aussi connu des juifs de Tlemcen et bien au delà par la présence du tombeau du rabbin Ephraïm Enkaoua du XIVe siècle, considéré comme l'un des religieux thaumaturges les plus prestigieux du judaïsme algérien. Selon la tradition juive, le rabbin Enkaoua, venu d'Espagne pour fuir la Reconquista espagnole, avait guéri la fille d'un sultan, obtenant en retour le droit pour sa communauté de s'installer dans le centre de la ville et d'y construire une synagogue. C'est de cette époque reculée que date l'implantation de juifs à Tlemcen même. A noter que le sanctuaire de Sidna Youcha ou Josué situé dans la région de Nedroma n'est pas inclus dans le programme du pèlerinage.

Soulignons aussi qu'à la faveur de la politique de réconciliation nationale, le tombeau du rab sera restauré à l'initiative du président Bouteflika. Lors de sa dernière visite, la délégation des pieds-noirs juifs avait rencontré l'ancien président Ahmed Ben Bella qui était de passage à Tlemcen : «Soyez les bienvenus du fond du coeur», leur avait-il dit. Selon le président de la Fraternelle, André Charbit, les liens entre les communautés juive et musulmane ont toujours été marqués par un climat de fraternité, éloigné de toute politisation.

Pour sa part, le président Bouteflika a eu à s'exprimer en deux occasions sur la question sensible des pieds-noirs et des juifs. La première fois, c'était à Constantine un 5 juillet 1999 coïncidant avec le 37e anniversaire de l'indépendance et de la jeunesse ainsi qu'à la faveur du 2500e anniversaire de la fondation de Cirta quand il avait déclaré : «Il y a lieu de signaler aussi que les habitants juifs de la ville, et ils étaient nombreux, ont pour leur part également joué un rôle positif dans la préservation du patrimoine commun : coutumes, vêtements, art culinaire et vie artistique. C'est ainsi que Constantine donna naissance à de grands musiciens et chanteurs juifs dans le domaine de la musique classique algérienne et ce, en dépit du fait que les Français accordèrent la nationalité française à toute la communauté juive d'Algérie...» ; la seconde fois, en marge d'un cours sur la réconciliation nationale au lycée Ibn Rochd de Blida en septembre 2005, lorsqu'il avait précisé que «ceux qui n'ont pas été impliqués dans une quelconque affaire et n'ont rien à se reprocher sont les bienvenus en Algérie, mais nous restons vigilants», avait-il ajouté face à ceux qui caressent encore le rêve du paradis perdu. Mentionnons dans ce contexte la restauration du tombeau du rab, à l'initiative du président Bouteflika (au titre de la politique de réconciliation nationale).
Sarkozy, Macias...

Pour sa part, le président Nicolas Sarkozy, en visite officielle en Algérie et lors d'une allocution prononcée devant un parterre d'étudiants à Constantine, en décembre 2007, avait dit en substance : «Les fautes et les crimes du passé furent impardonnables. Mais c'est sur notre capacité à conjurer l'intolérance, le fanatisme et le racisme qui préparent les crimes et les guerres de demain que nos enfants nous jugeront. Je le dis dans cette ville qu'on appelait jadis « la Jérusalem du Maghreb » parce que sa communauté juive y était la plus importante d'Afrique du Nord, dans cette ville qui se souvient encore que pendant des siècles juifs et musulmans y vécurent en paix les uns avec les autres : l'antisémitisme n'est pas qu'un crime contre les juifs, c'est un crime contre tous les hommes et un crime contre toutes les religions. Aucune cause aussi juste soit-elle ne peut justifier, à mes yeux, ce crime. Je le dis dans Constantine si croyante et dont la tolérance fut pendant tant de siècles la marque du génie : il ne s'agit pas seulement de condamner le racisme, encore moins de répondre au racisme par le racisme, il s'agit de le combattre. Je combattrai le racisme qu'il soit anti-arabe, anti-juif, anti-noir, anti-blanc, il n'est pas possible de transiger avec le racisme. Et la France ne transigera jamais avec le racisme. La France sera toujours au côté de ceux qui ne transigent pas. La France ne transigera pas avec l'islamophobie. La France ne transigera pas avec l'antisémitisme...».

Enfin, il convient de noter dans ce contexte que le musicien Gaston Ghrenassia alias Enrico Macias (natif de Constantine dont le beau-père est Cheikh Raymond Leyris) qui devait accompagner le chef d'Etat français (Macias était auparavant invité personnellement en novembre 1999 par le président Abdelaziz Bouteflika à Monaco à venir se produire sur sa terre natale) non désirable en Algérie pour ses prises de position en faveur d'Israël, exprimées publiquement et à plusieurs reprises, la dernière en date sa participation à Paris à un rassemblement en soutien à la guerre contre Ghaza.
par Allal Bekkaï

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