Ce séminaire à pour but de mettre en relief un pan de la littérature algérienne de l’époque coloniale jusque là occultée pour une raison ou une autre.
Cette rencontre éclairera, sans aucun doute, ceux qui n’ont pas eu connaissance de ce fait historique notamment les jeunes universitaires. Les différentes interventions sont animées par des
hommes de lettres, des professeurs universitaires à savoir les docteurs Cheniki Ahmed, Amine Zaouï, Kada Mohamed, Menad Tayeb, Hocine Allam, Habib Mounsi, Aziz Mouats, Ammar Belkhouddja et
Boudaoud Mohamed. Les thèmes retenus pour la journée du 14 avril sont : « l’auteur Louis Bertrand vu par Rabah Belamri », « Albert camus et (ou) la prière de l’absent », « les mythes obscurs
d’un algérianisme à rebours, les scribes attirés de la colonisation », « Guy de Maupassant dans le roman colonial ». Les conférences sont suivies de débats. Prenant la parole, Dr Amine Zaoui,
professeur universitaire et écrivain, a eu le privilège d’entamer la matinée pour parler de l’acculturation et la littérature coloniale. Son intervention est avant tout axée sur une question
prépondérante liée à la peur intellectuelle qu’il qualifie d’handicap culturel. Mieux encore, « il s’agit d’une industrie de la construction de la peur intellectuelle.»
Les acteurs de cette peur sont partout et peuvent venir de partout de par le monde. Den nos jours, l’Europe a peur de l’arabophobie, l’islamophobie Maghrebophobie et négrophobie. Tous ces
préjugés ont créé une sorte de peur de l’autre. Il en est de même de l’autre côte de la rive. Chez nous, nous voyons l’autre avec une certaine phobie. Quand nous parlons de l’ occident nous
le qualifions d’anti arabe, d’anti palestinien et d’anti religion », ajoute – il. Il s’agit là d’une peur réciproque parce qu’il y a absence de dialogue avec cet autre. Il fut une époque où
cette peur de l’autre s’était développée entre nous quand nous parlions d’arabophones et de francophones. La peur et l’absence d’interlocuteurs ont miné le dialogue entre les individus et les
langues (l’arabe, le français et l’amazight). « Que se passe t-il au niveau de l’inconscient ? Il n’y a pas de références intellectuelles dans les différents groupes socio culturels »,
tient-il à préciser. Selon M. Zaouï, « pour résoudre cette peur de l’autre, le seul moyen d’y parvenir c’est d’apprendre la langue de cet autre dont nous avons tant peur, sachant que la
langue est une arme.» Il faut aussi savoir écouter afin de pénétrer dans la pensée de l’autre, sans quoi le dialogue devient impossible et ne peut s’établir. Les intellectuels algériens de
l’époque coloniale n’avaient pas de préjugés à s’exprimer dans la langue de l’autre (le français). La Turquie est l’un des rares pays à avoir entrepris la traduction de bon nombre d’œuvres
dans la langue turque. Les juifs ont agi de même en traduisant dans la langue arabe tout ce qui était écrit dans d’autres langues, parce qu’ils ne pouvaient le faire dans leur propre langue
pauvre a l’époque. Le traducteur doit être mû d’un certain courage et de la capacité de traduire fidèlement ce qui est écrit dans la langue de l’autre. Les intellectuels algériens vivant à
l’étranger représentent un capital important dont l’Algérie ne profite pas. « Comment construire une culture algérienne avec cette intelligence tout en faisant appel à nos aînés comme Nabil
Farès , Assia Djebbar, Mourad Bourboune et tant d’autres. Assia Djebabr à obtenu le prix de la paix en Allemagne alors qu’elle est presque inconnue dans son propre pays. Même dans la
différence il y a lieu de respecter l’autre. La réconciliation intellectuelle nationale doit se faire et avoir lieu avant qu’il ne soit trop tard et que ne disparaissent nos aînés. Nous avons
encouragé, malgré nous, la peur de l’autre. Des hommes célèbres ont été oubliés comme Jacques Bergue, Louis Althusser pour ne citer que ces deux là. Le professeur Boudaoud Mohamed, pour sa
part, a parlé de Louis Bertrand vu par Rabah Belmari. « J’ai été cherché dans la littérature coloniale où l’on a parlé de nous », dira-t-il, pour entamer son intervention. Ces écrivains
colonialistes véhiculaient des clichés hostiles aux indigènes. Dans sa thèse consacrée à l’œuvre de Louis Bertrand, Benlamri relève des propos insensés caractérisant les indigènes comme étant
des barbares, des gens sales. « Les autochtones sont des loques, grogneux. Les arabes se ressemblent tous. Ils n’ont pas d’individualité précise. D’ailleurs tous les hommes s’appellent Ahmed
et les femmes des Fatima. Ils sont trop nombreux, pouilleux. Les uns et les autres étaient considérés comme des objets et appartenaient colons, pour lesquels ils travaillaient. » Albert Camus
et (ou) la prière de l’absent est le thème de l’intervention du professeur et journaliste Aziz Mouats. » Quatre dates importantes dans lavie de Camus sont à retenir », dira t-il, avant de se
lancer dans le vif du sujet, à savoir : 1914, mort de son père, 1939, il devient journaliste reporter et écrit sur la misère en Kabylie, 1957/1958 lorsqu’il propose une trêve qui ne fut
d’ailleurs pas prise en considération par ses concitoyens. Il a avait prévu les massacres du 20 août dans le nord constantinois mais n’avait réagi à temps pour éventuellement les éviter. Il a
eu le courage de le dire mais il était absent le moment opportun. En trois jours les massacres ont fait 12 000 victimes. Etant lui-même orphelin ilavait dû ressentir ce que représentaient ces
victimes. Lorsqu’il fallait parler de justice, il a eu peur. Camus vivait beaucoup plus à l’étranger qu’en Algérie. Pourquoi avait-il tu ces événements, lui qui les avait prévus bien avant ?
», S’interroge M. Mouats.